Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
4 août 2008 1 04 /08 /août /2008 19:45
En cette période vacancière estivale, quoi de plus rebelle que de vous parler de mon travail ? Bon y'a peut-être mieux question rebelle-attitude, mais c'est tout ce que j'ai sous la main.

Car oui, je bosse. Malgré mes puériles élucubrations, je suis à la fois sorti des études, de la puberté boutonneuse, des soirées masturbatoires, et du cocon familial (rayez les 3 mentions inutiles).

Avec ma tronche de premier de la classe, je ne peux qu'avoir la guirlande de diplômes et le boulot bien payé. Et en prime, j'ai le titre à rallonge à faire péter une braguette. Accrochez-vous : je suis « consultant en systèmes d'information auprès des collectivités territoriales ». Ca tue sa mère.

Bon, j'explique, parce que rassurez-vous, personne ne sait réellement ce que ca veut dire.

Un consultant est une personne dont le métier consiste à dénigrer les autres, surtout les faibles, à frapper là ou ca fait mal, à fouiller au fond du marécage boueux, à trouver les cadavres cachés dans les placards, et à arborer un air hautain et prétentieux. Comme vous le voyez, on ne peut rêver d'un boulot correspondant mieux à mon profil.
Un consultant est sensé avoir une expérience du terrain et une expertise du métier lui permettant d'être un référent fiable et écouté. Mais en général, les gens qui l'écoutent doutent de tout ca, et ils ont bien raison. Du coup, le consultant parsème son discours de killer-termes, autrement appelés buzzwords, pour enfumer son auditoire. Evidemment, ces killer-termes ne veulent rien dire, mais oh hein ca va maintenant, il est consultant donc tu la fermes.

Je dois préciser que je ne suis pas rentré comme « consultant » mais comme « consultant junior ». Un consultant junior est comme un consultant, mais en merdeux. Il incarne donc un paradoxe évident puisque toute la légitimité d'un consultant lui vient normalement de son expérience. Le consultant junior ayant en général plus de boutons sur la figure que d'années de pratique, il augmente l'agressivité de ses contemporains en cumulant le dédain du métier, l'ignorance manifeste du domaine et l'arrogance de la jeunesse.
Finalement, le consultant junior, qui ne peut objectivement que faire baisser la crédibilité de son cabinet, joue souvent le rôle de gratte-papier. Quand il est vraiment bon, il peut parfois arriver à susciter chez ses clients des remarques du genre « lui dans quelques années ce sera un killer », « il est pas si mal le jeune con », ou encore, pour les vieilles peaux frustrées, « je me le taperais bien à l'apéritif ».

Mon patron ayant vite constaté que la junior-attitude est belle sur le papier mais râpe l'anus des clients, il m'a promu « consultant » tout court en moins de temps qu'il n'en faut à votre mari pour supprimer les textos de sa maîtresse avant de rentrer à la maison. Depuis, effectivement, ca glisse mieux.

Le terme système d'information est un killer-terme pour désigner un mélange de « putain de bordel de PC de merde qui marche pas », de « saloperie d'Internet qui rame », et de « connards du service informatique qui ne pigent rien à mon problème ».
Il y a 20 ans, on appelait encore ca « l'informatique » : on donnait un PC aux dirigeants, ils ne s'en servaient pas, ils frimaient avec, et la vie était belle.
Mais l'informatique d'entreprise a subi une révolution de taille : l'invention du site de cul. Depuis ce jour, on embauche, on réfléchit, on imagine de nouveaux concepts tels que « charte d'utilisation », « pare-feu », « schéma directeur », « plan de gouvernance », « Intranet stratégique », qui ont tous pour but plus ou moins avoué de faire en sorte que les employés consacrent une partie infime de leur temps à utiliser leur ordinateur pour bosser.

Une collectivité territoriale est un organisme inutile inventé par l'Etat pour se débarrasser de tâches chiantes ou délicates. Autrement dit, toutes les tâches qui ne servent à rien pour la promotion d'un élu, ou au contraire celles qui peuvent lui coûter sa tête. Mais comme l'Etat est malin et n'avait pas envie que les collectivités s'insurgent de se récupérer toutes les merdes, il les a feinté en leur donnant un budget faramineux, dont les collectivités ne savent pas quoi foutre.
On retrouve sous le terme de collectivité territoriale les mairies, les communautés de communes, les conseils généraux et les conseils régionaux, bref, tous les trucs pour lesquels on va parfois voter sans jamais savoir exactement ce qu'on élit.
Une collectivité est en général composée d'une assemblée d'élus et d'une administration. On compte également, de manière presque automatique : une cantine moisie pour les membres de l'administration, et un restaurant gastronomique avec cave à vin de compétition pour les élus.

Un élu de collectivité est un bonimenteur qui végète et profite de son mandat pour venir casser la graine au restaurant des élus au frais de la princesse (et la princesse, c’est encore vous). Une fois l'an, il lève la main bien haut pour « voter le budget » et prouver qu'il est réellement porteur de la voix de ses administrés.
Evidemment, le rôle d'un élu varie en fonction de la nature et taille de la collectivité, et de son rang. Mais globalement, c'est comme dans un jeu de stratégie : les inconvénients et les avantages sont différents d'un camp à l'autre mais s'équilibrent. Par exemple, un conseiller général n'a presque rien à faire de l'année, mais ne peut profiter du restaurant que les jours d'assemblée ; en revanche, le maire d'une petite commune se tape toutes les merdes mais peut facilement faire copain-copain avec la police municipale et ainsi faire un doigt d'honneur quand il passe devant un radar.

Une administration est un troupeau de fonctionnaires travaillant pour appliquer les décisions des élus et faire tourner la boutique. Dans l'écrasante majorité des collectivités françaises, ils sont organisés en services et directions, de manière bien verticale, pour qu'ils soient bien rangés et puissent dormir en paix.

Un fonctionnaire est un être trop facile à dénigrer, et vous savez combien je déteste la facilité donc non, je ne le ferai pas. D'autant qu'ils ne sont pas tous comme vous pensez que je pense qu'ils sont. Si je voulais faire du bien consensuel, je dirais que « c'est comme partout, il y en a des bons et des moins bons ». Mais moi vous me connaissez, le consensuel et le faux rebelle me font gerber. Et en plus, on a beau retourner le problème dans tous les sens, une collectivité, c'est vraiment pas comme partout.
Disons qu'après ces quelques mois de travail, j'ai vu les pires clichés, comme ceux qui arrivent à 10h30, repartent à 16h30, avec 8 pauses en moyenne, ou encore le chef de service surnommé « le baromètre » par ses agents parce qu'il est toujours en RTT quand il fait beau. Et puis j'en ai vu d'autres qui ont envie de bosser mais qui sont souvent bloqués par une chaîne décisionnelle sclérosée ou par l'archaïsme des méthodes.

Voilà pour le vocabulaire, la prochaine fois je casse le mystère et je vous explique vraiment en quoi consiste mon travail.
Partager cet article
Repost0

commentaires

B
Je cherchai à passer un contrat avec un consultant, alors je tape consultant, collectivités et voilà que je tombe sur vous...au moins ça a le mérite d'être clair. je vais me méfier du consultant mais en même temps je sais aussi qu'il y en a des marrants comme vous.Amitiés
Répondre
L
<br /> <br /> Marrants et efficaces. Ne vous y trompez pas, j'aime mon métier et le milieu dans lequel je travaille. La satire est bonne lorsqu'elle grossit visiblement les traits. Qu'on ne me confonde pas<br /> avec une certaine ZS...<br /> <br /> <br /> <br />
L
ça c'est toi qui le dis, seule la gent féminine peut en juger, or si j'ai bien compris tu n'en fais pas partie.Après si tu penses être un affreux, vil, méchant garçon dont personne ne voudrait, sache que la plupart des éléments de ton espèce sont très certainement bien pires que toi, sauf qu'ils n'exhibent pas leurs pensées sur un blog, et qu'ils prennent certainement encore moins le temps d'une introspection.
Répondre
L
<br /> L'introspection est la première étape vers la rédemption. Heureusement, j'en suis encore loin.<br /> <br /> Mais, chère L'autre, quelle vision pessimiste de la gente masculine...<br /> <br /> <br />
L
Fort intéressant, mais la vraie question (celle qui ferait définitivement de toi le parti idéal ou non, attention) serait:Mais combien tu gagnes pour faire toutes ces belles choses qui font progresser l'humanité???
Répondre
L
<br /> Je crains d'être fort éloigné du parti idéal, peu importe mon salaire !<br /> <br /> <br />

Boussole